La fin du voyage

C’est surprenant, quand j’y pense. Auparavant, lorsqu’on me parlait de challenge commercial, j’avais tendance à l’avoir mauvaise. Il faut dire que j’ai travaillé pour quelques entreprises qui savaient davantage manier le bâton que de la carotte. Dans ces boîtes, la DRH nous demandait de nous dépasser mais donnait très peu pour gratifier nos efforts. On se retrouvait donc à tout donner durant des semaines pour gagner au final des cacahouètes, ça mettrait n’importe qui sur les nerfs. La société pour laquelle je travaille désormais semble heureusement avoir être un peu mieux qualifiée pour manager. Parce que quand elle propose un incentive, le prix est proportionnelle à l’effort demandé. Et ça, ça change tout. Du coup, c’est avec plaisir que j’accueille les nouveaux incentives, et je me donne à 200 %. L’année dernière, j’ai ainsi remporté un portable, une box, des places VIP pour des matchs de foot… Si j’étais déjà enchanté de ces primes en nature, il y a deux mois, j’ai cette fois décroché le pompon : un voyage de quatre jours au Maroc ! Pourtant, au début, j’admets que je n’étais pas très enthousiaste à l’idée de ce voyage. Quitte à choisir, j’aurais de loin préféré réaliser ce voyage avec ma femme. Parce que voyage avait lieu entre collègues, naturellement (pour renforcer la cohésion des équipes). L’idée de base me gênait un peu. Voyager avec des collègues, ce n’est pas franchement du boulot, mais c’est tout de même loin d’être des vacances. J’imagine que c’est la même chose en ce qui vous concerne : on ne se comporte pas de la même manière avec ses collègues et chez soi. Il y a un rôle à jouer, celui du mec qui se relâche parce qu’il n’est plus au boulot, mais tout en faisant quand même attention à ses faits et gestes, car les autres ont des yeux. Du moins, c’est ce que je pensais avant d’y aller. Parce qu’une fois arrivé, j’ai surtout pris conscience qu’une virée entre hommes, ça permet également d’être naturel. Quoique d’un naturel très différent de celui qu’on a avec sa femme. J’ai eu mal au crâne durant ce voyage, mais de temps à autre, ça fait quand même un bien fou. Je craignais par-dessus tout que les activités prévues sur place aient la saveur d’un sandwich industriel. Vous avez déjà certainement dû supporter un tel moment : vous vous retrouvez embarqué dans une activité où le caractère authentique . J’ai déjà vécu ce genre de moment durant certains voyages, et ça ne m’a vraiment pas plu. Mais ma société a, là aussi, su faire preuve d’intelligence : elle a fait appel à une agence événementielle qui a tout organisé d’un bout à l’autre, et nous a préparé un voyage vraiment authentique. Si le programme s’est avéré hyper-chargé (2 heures de pause par jour), ça a été un vrai bonheur : il ne s’agissait pas d’un séjour touristique (le colon venant s’amuser chez les indigènes), mais d’un séjour authentique où nous avons non seulement découvert la culture locale mais également échangé avec les habitants et les autres collègues. Je craignais surtout de ne pas apprécier les activités organisées sur place. Vous savez, le genre d’activité qui semble avoir été pensée par un moniteur de colo qui n’a pas compris qu’il s’adressait à des adultes. Mon entreprise a gagné sur les deux tableaux, sur ce coup-là : elle a non seulement satisfait les collaborateurs grâce à ce bonus, mais a aussi contribué à resserrer les liens entre ceux-ci. Et c’est là que je me dis que je suis d’une certaine manière arrivé à destination. Pendant une longue période, j’ai changé de boîte comme de chemise. Alors qu’aujourd’hui, je ne regarde même plus si l’herbe est plus verte ailleurs. Et vous savez quoi ? Ca fait du bien, de se sentir posé.